« L’homme (arabe) qui a vendu sa peau »

Premier long-métrage tunisien en compétition aux oscars, c’est un vrai bond pour la réputation du cinéma Tunisien. Faut savoir que les films arabes sont absents des compétitions internationales et se contentent depuis longtemps des catégories parallèles pour diverses raisons (concernant ce point je vous conseille l’interview de Y.Chahine à cannes en 1983 qui révèle toute la complexité du « film arabe ». Passé les  éloges, nous pouvons maintenant parler du film, strictement du film « L’homme qui a vendu sa peau ».  Le film raconte l’histoire de Sam Ali, jeune syrien qui pour se rendre en Europe et vivre avec l’amour de sa vie, accepte de se faire tatouer le dos par l’artiste contemporain le plus sulfureux au monde. En transformant son corps en une prestigieuse œuvre d’art : un visa Schengen.

Il y a des thématiques qui se répètent dans le cinéma arabe et le cinéma du SUD dont la question de la mobilité. Les occidentaux l’appellent « la crise migratoire », nous l’appelons «  Interdiction de voyager » . C’est un grand enjeu qui se joue ici : Le récit. Le récit c’est l’histoire qui reste dans la grande Histoire, et il faut dire qu’il est très rares d’avoir des récits fidèles à ce qu’avait envie de raconter le réalisateur ou/et le/la  scénariste au  départ. La production dans nos pays est étroitement lié au findrising, qui consiste à trouver de l’argent pour monter un film en convaincant ces derniers du projet.  C’est un passage obligé pour tous les réalisateurs du monde, particulièrement les réalisateurs des pays arabes qui ne peuvent absolument pas y échapper ( ceux qui essayent ne feront jamais de films, ou ne mettrons pas les pieds dans les festivals les plus importants ) c’est un parcours difficile, de longue haleine, qui demande beaucoup de temps, et des nerfs solides en vue de la concurrence et du temps que cela exige (on parle d’années) , c’est pour cela que finir un long métrage est une prouesse en soi, à titre d’exemple concret observez les logos dans le générique de MINARI en compétition dans la catégorie de meilleur film étranger aux Oscars au côté de « l’Homme qui a vendu sa peau » qui lui a demandé énormément de fonds.  Kaouther Ben Hania a parlé de ce point dans une interview ( en recevant le prix lumières ) en exprimant son objectif qu’est de monter des films plus facilement.  

A mon avis « le récit » du cinéma dans cette partie du monde est étroitement lié à la question de « production » et de « fonds » , et il faut dire les choses telles qu’elles sont, c’est un sujet sensible car la situation est telle que dans le « c’est ça c’est rien » il est tout à fait compréhensible d’accepter le « ça » plutôt que le « rien ».

Conséquence, nous nous sommes tapés pas mal de films sur ; le terrorisme, le droit des femmes et l’immigration depuis 2011. On a parfois l’impression que notre monde se résume à des problématiques sécuritaires, géopolitiques, et sociopolitiques, ce qui disons-le est terriblement réducteur. Notre existence qui fut d’abord moulé dans l’exotisme  se retrouve aujourd’hui moulée dans ces questions qui au lieu de se contenter de leur place de thème devienne les histoires qui resteront de nous.

L’Arabe est devenu au fil du temps un être chargé politiquement, un symbole ambulant, qu’on pourrait exposer dans un musé comme dans le film. Il  y a une « astuce » pour échapper à cette  sécheresse du discours, c’est d’injecter une petite histoire dans la grande histoire. Dans le cas de « l’homme qui a vendu sa peau » il s’agit d’une histoire d’amour. Ali vend son âme pour se rendre en Europe et rejoindre l’amour de sa vie et c’est là la plus grande faiblesse du film, l’amour et les émotions que l’histoire  de ce couple doivent nous procurer sont quasi-absentes. Si le personnage de Abir n’existait pas, il ne changerait rien au  film. Les apparitions de Abir sont plus de l’ordre de la ponctuation narrative, rappel de l’objectif que souhaite atteindre le protagoniste, qu’une incarnation d’un combat, d’un désir dont nous avons hâte de voir la résolution.  Le commentaire politique a pris beaucoup de place réduisant Ali à ce que le film dénonce : un objet politique.

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